Ours dans la ville

Sinaïa a son château, son parc, son monastère et ses ours. Située à deux heures de train de Bucarest, aux confins du parc naturel de Bucegi et des montagnes du même nom, la ville « reine » de la vallée de Prahova a connu ces dernières années un étonnant conflit avec ses voisins à quatre pattes.

 

Avec des maisons qui s’étalent jusqu’aux abords de la forêt et des décharges d’ordures communes aux quatre coins de la ville, « l’ours a pris ses habitudes », confie Alexandru Coltoiu, du parc naturel de Bucegi. L’attrait des poubelles a conduit l’animal à s’immiscer petit à petit sur le territoire de l’homme. Car en 2003, la carrière de calcaire qui servait de décharge pour la ville depuis les années 1960, a fermé. Le centre ville de Sinaïa a ainsi servi d’alternative à plusieurs dizaines d’ours familiarisés à cette nouvelle source d’alimentation. Il était devenu commun de retrouver un individu dans un jardin, dans les rues ou dans le parc de la ville.

 

 

« C’est nous qui recevions toutes les réclamations des habitants mais nous ne pouvions rien faire car l’ours est protégé ici, raconte Anna-Maria Staicu, chargée de l’écologie urbaine à la mairie de Sinaïa. Nous avons donc travaillé avec le parc naturel pour constituer un dossier et obtenir l’autorisation de déplacer ces ours. » En juin 2008, le ministère de l’environnement donne sa permission et une vingtaine d’ours sont transférés dans les montagnes du comté d’Arges, à une centaine de kilomètre de Sinaïa. En parallèle, tous les dépôts d’ordures sont clôturés. La ville s’est débarrassé de ses intrus.

 

 

 

> Habiter à Sinaïa

Lucica est la propriétaire de l’hôtel Villa Tui, à deux pas de l’axe principal de la ville. Elle a vécu des rencontres peux ordinaires comme beaucoup d’habitants.

 

 

 

> Touristes et ours, un mauvais cocktail

Plus d’un million de personnes fréquentent chaque année Sinaïa (13 000 habitants permanents) et ses alentours. La route qui mène à la très convoitée station de ski était devenue, avant le déplacement des ours, le repère des touristes « cocheurs », déplore Alexandru. « Les gens venaient voir les ours qui traversaient régulièrement cette route, puis repartaient après l’avoir rayé de leur liste des choses à voir dans la région. Certains prenaient des risques considérables en s’approchant trop près, sans connaître le comportement de l’animal. » (voir vidéo ci-dessous tournée par des touristes).

 

 

 

C’est l’imprudence et « la stupidité » de ces touristes qui énerve le plus Alexandru. « En plus de laisser leurs ordures dans les montagnes, ils les nourrissaient sur la route. » Cela peut amplifier l’accoutumance de l’ours à l’homme.

 

 

Le panneau est pourtant clair, il y a des règles à respecter dans le parc. Première consigne : « Ne pas laisser de nourriture dans les tentes. » Car c’est le principal intérêt de l’ours qui, attiré par l’odeur des aliments, a l’habitude de fouiller les toiles. Et également la principale cause d’agression envers l’homme. Alexandru a ses anecdotes : « En 2007, un ours a traîné un touriste américain dans son duvet sur 70 mètres (…) Il y a deux semaines, cinq touristes ont été violemment chassés de leur tente par deux ours alléchés par des sandwiches et du chocolat. »

L’ours ne vient pas agresser l’homme sans raison, d’autant que l’odeur humaine lui fait plutôt rebrousser chemin. Mais c’est également son odorat surdéveloppé qui le conduit non pas vers l’homme, mais vers les aliments que ce dernier transporte ou cuisine. « Les barbecues sont formellement interdits. Le feu n’est pas dangereux pour l’ours mais, quand vous faîtes cuire un steack, l’odeur se répand à des kilomètres », explique Alexandru.

 

 


> En forêt avec les « rangers »

Dix gardes travaillent dans le parc naturel de Bucegi, dont Clementin et Razvan qui sont chargés de faire respecter ces directives, amendes à l’appui. Une autre de leurs tâches consiste à repérer les empreintes d’ours dans les montagnes, aux alentours de Sinaïa, pour étudier leurs déplacements et prévenir les risques d’intrusion dans la ville. Ce matin, direction l’église Saint-Anne au coeur de la forêt…

 

 

 

La porte de l’église s’ouvre. Un des prêtres propose aux gardes de visionner des photos prises autour de l’édifice religieux. « Les ours passent tous les jours ici, on n’a pas de problèmes avec eux et il n’y a pas de raison de leur en créer », se défend-il.

 

 

Pourtant, l’homme a dû agir pour éloigner cet animal qui le dérangeait, en le déplaçant. Certainement la meilleure solution, dans l’urgence. Mais Sinaïa a de grandes chance d’avoir de nouveau affaire, dans les prochaines années, à ce visiteur très particulier.

 

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